Puisque l’eau monte — roman d’émancipation et de résilience, d’Adélaïde Bon
Introduction et tonalité générale
Le roman intitulé Puisque l’eau monte, premier livre d’Adélaïde Bon, s’ouvre sur une scène marquée par le trouble et l’inconfort. Le récit évoque une image troublante et sanglante dans une douche, et précise qu’il n’y a pas de figure d’agresseur travesti dans ce contexte. Cette ouverture place immédiatement le lecteur dans l’intimité d’une jeune femme confrontée à une rupture brutale et à l’abandon d’une promesse qu’elle n’a pas pu tenir. L’évocation de l’avortement est présentée avec un mélange de réalisme clinique et de poésie sombre, préface à l’effondrement intérieur qui traverse le récit.
Une écriture haletante, au bord de la suffocation
L’histoire croise le destin de Sibylle Duval, issue d’un milieu rural et installée à Paris pour diriger le développement d’un réseau social. Elle partage la vie de Maxime, un entrepreneur dont l’avenir paraît radieux. Derrière l’image d’une femme « formidable » et d’un gendre idéal, le roman laisse entrevoir un véritable séisme intérieur.
Le congélateur contient le sachet qui contient l’amas qui contient la clé, la clé du cri dans ma gorge, et à l’idée que l’amas pourrait disparaître, des choses palpitantes et terribles montent en moi, des choses qui crient, hurlent et me déchirent la poitrine.
Sur un mode résolument romanesque, Puisque l’eau monte raconte une émancipation et un retour à la vie. Le livre, qui fait écho à la réputation croissante d’Adélaïde Bon, fait écho à une œuvre précédente de l’autrice. En 2018, La petite fille sur la banquise, publié chez Grasset, exposait le viol subi par l’auteure à l’âge de neuf ans et les répercussions de ce traumatisme sur sa vie d’adulte, jusqu’au procès qui a tenté d’apporter une forme de justice.
Une voix littéraire puissante, entre poésie et rage
Formée à la scène et à la musique, Adélaïde Bon, comédienne et metteuse en scène, a longtemps œuvré pour retrouver le goût des mots et leur force romanesque. Plus qu’un récit cathartique, Puisque l’eau monte apparaît comme l’affirmation d’un désir d’écriture, porteur d’une vitalité littéraire contagieuse.
Les violences que j’avais subies à neuf ans m’avaient complètement bloquée. Il a fallu me réapproprier le langage, poser des mots sur l’innommé et l’innommable pour pouvoir écrire. Ce premier roman, c’est sans doute une réponse à la promesse faite à cette petite fille qui rêvait d’être écrivaine.
Racontée à la première personne, l’intrigue semble d’abord avancer à toute allure, les phrases et les tentatives d’autorisations se heurtant à une sensation d’étouffement. Le parcours de Sibylle l’amène à longer les canaux et les bords de la Seine, comme si l’eau qui monte en elle dialoguait avec les courants de la dynamique urbaine.
Le texte rappelle aussi les racines normandes de l’héroïne, évoquant des marais où pourrait se cacher la clé d’un malaise familial. Au fil des pages, des motifs hantés et des images de légendes anciennes, d’animaux sauvages et de mots oubliés se dessinent. La narratrice retrouve peu à peu son biotope, portée par une langue riche en images et en vie.
Contexte et relectures
L’œuvre est présentée comme une réécriture de la mémoire et de la résilience, inscrite dans une continuité thématique avec l’œuvre précédente de l’autrice. L’analyse et les éléments biographiques mentionnés relèvent d’un cadre critique publié dans Le Soir Venu en août 2025, avec une attribution de la chronique à Nicolas Julliard, sf.
Pour les lecteurs et lectrices sensibles aux témoignages littéraires, Puisque l’eau monte s’inscrit dans une démarche d’exploration des traces laissées par la violence et de la reconstruction par le langage, tout en offrant une vision singulière de la féminité et de l’émancipation à travers une voix narrative marquée par la vitalité et la densité poétique.