Céline Bardet : le viol en temps de guerre, un outil politique dont l’ampleur reflète des choix stratégiques
Renforcer la justice pour les victimes et reconnaître les violences sexuelles en temps de guerre
Invitée sur l’émission Tout un monde, Céline Bardet, fondatrice de l’ONG We are Not Weapons of War, appelle à renforcer les mécanismes judiciaires face au viol en contexte guerrier.
Elle souligne que « la justice est le maillon faible » du dispositif actuel et que son financement demeure insuffisant, alors que les violences sexuelles sont décrites comme une arme systématique dans les conflits. Selon elle, c’est en intervenant sur le volet judiciaire que l’on peut freiner la propagation de cette pratique, en questionnant les discours et les actes qui la légitiment.
Voir aussi: l’ONU signale en 2024 une hausse marquée des violences contre les enfants dans les zones de guerre.
Une justice qui peut aussi réparer
Bardet observe des progrès dans la reconnaissance des violences sexuelles de guerre et un suivi accru des survivants psychologiques et gynécologiques, mais l’impunité demeure élevée.
Pour elle, « la justice dit ce qui est », et lorsque les crimes de guerre sont niés, ce travail est d’autant plus nécessaire.
Selon l’auteure de Le bruit du monde me fait un peu trop mal certains jours, la justice n’est pas seulement destinée à condamner les auteurs: elle constitue aussi un processus crucial pour les victimes, facilitant leur reconstruction et la reconnaissance des faits.
Violence sexuelle comme outil politique et préjugés
Elle rappelle que les préjugés autour du viol de guerre perdurent et que les hommes peuvent aussi être victimes, comme le montrent des données de la justice ukrainienne. Dans son livre, elle précise que le viol ne relève pas d’une question de sexualité mais peut être employé comme « outil mené par des politiques » qui utilisent des discours virilistes pour le légitimer.
À titre d’exemple, elle évoque des propos attribués au président russe Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse et des mécanismes similaires observés au Rwanda durant le génocide, pour illustrer comment l’instrumentalisation politique peut s’opérer. Elle estime qu’il faut dégonfler les préjugés et comprendre cet outil pour le combattre, autrement il prendrait davantage d’ampleur.
Pour en venir à bout du viol de guerre, Bardet appelle à un plaidoyer, à une prise de conscience et à une compréhension des mécanismes d’utilisation de la violence sexuelle, soutenus par la justice.
Propos recueillis par Julie Rausis.
