Conflit au Soudan : danger croissant pour les civils et les minorités ethniques
Contexte politique et évolution du conflit
Le Soudan est confronté à une lutte de pouvoir entre deux grandes factions armées qui se disputent le contrôle du pays. L’armée régulière est dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par Mohamed Hamdan Dagolo.
Après une révolte populaire en 2019 qui a conduit à la chute d’Omar el‑Béchir, le processus de transition démocratique a été interrompu par un coup d’État en 2021, mené par ces deux responsables militaires. Depuis 2023, ces factions s’affrontent pour le pouvoir et le destin du pays.
Contrôle territorial et évolution dans l’ouest du Soudan
L’armée assure la sécurité de Khartoum depuis fin mars. Dimanche, les Forces de soutien rapide sont entrées dans El Fasher, capitale régionale du Darfour, après un siège de plus de 500 jours. Cette entrée marque un tournant: la région ouest du pays est désormais placée sous le contrôle des paramilitaires.
Exactions signalées et atteintes aux civils
Plusieurs informations font état d’exactions massives depuis l’entrée des forces dans la ville. L’Organisation mondiale de la Santé évoque le meurtre de plus de 460 personnes dans une maternité. Des exécutions sommaires de civils — femmes, enfants et personnes âgées — ont également été signalées. L’armée régulière accuse les paramilitaires d’avoir ciblé des mosquées et des personnels humanitaires du Croissant-Rouge.
Situation humanitaire et accès limité
Pendant environ 18 mois de siège, des centaines de milliers de civils ont trouvé refuge à Tawila, à une soixantaine de kilomètres d’El Fasher. Depuis la prise de la ville, seuls quelques milliers y auraient réussi à se rendre, et les opérations humanitaires peinent à atteindre les zones les plus affectées en raison des conditions de sécurité et des contrôles des milices locales sur les itinéraires.
Selon Caroline Bouvard, responsable Soudan pour Solidarité Internationale, les conditions pour accéder aux populations déplacées restent extrêmement difficiles. Les personnes arrivées récemment présentent des signes de malnutrition, de déshydratation et de traumatisme, et les équipes humanitaires doivent intervenir dans un cadre fortement contraint.
Risque de radicalisation et tensions identitaires
La poursuite des violences pousse à une radicalisation et à un durcissement des positions identitaires. Alice Franck, géographe et maîtresse de conférences, souligne que les civils, jusqu’alors tentés de rester neutres, se retrouvent de plus en plus sous pression pour s’aligner sur l’un des camps, ce qui complique le maintien d’une approche pacifique.
D’autres experts évoquent une escalade des hostilités et la potentialité d’un étouffant clivage ethnique. Roland Marchal, politologue à Sciences Po Paris, parle d’une radicalisation susceptible d’alimenter une guerre sans concession sur le terrain.
Cadre international et appels à l’aide
Bien que les FSR aient affirmé vouloir stabiliser la situation, l’aide humanitaire ne s’est pas renforcée après la fin du siège. Des messages de l’ONU et de l’Union européenne dénoncent une augmentation des violences et un prétendu ciblage ethnique des civils. Le syndicat des médecins soudanais a également dénoncé des massacres motivés par des raisons ethniques, ce qui rappelle les heures sombres vécues lors des violences au Darfour dans les années 2000.
