L’utilisation de la bande dessinée comme outil pédagogique : enjeux et perspectives
Introduction : la bande dessinée, un médium éducatif sous-exploité
Camille Schaer, enseignante et docteure à lʹUniversité de Lausanne, a consacré ses travaux à lʹintégration de la bande dessinée dans lʹenseignement des langues en Suisse. Si, durant sa scolarité, elle appréciait la section dédiée aux bandes dessinées au centre de documentation, elle souligne quʹelle nʹavait pas eu dʹoccasion dʹétudier ce média de façon formelle. Son parcours académique lui a permis de réaliser que la bande dessinée pouvait constituer un véritable support d’apprentissage, notamment dans le cadre de l’enseignement du français.
Une explosion de la diversité thématique et une sous-représentation en classe
Aujourdʹhui, la bande dessinée a connu une véritable révolution éditoriale, élargissant ses thèmes bien au-delà des classiques albums dʹAstérix, Tintin ou autres héros de jeunesse. Les festivals consacrés au neuvième art sont désormais nombreux, et les auteurs de BD jouissent dʹune popularité croissante, parfois comparée à celle de stars du rock. Toutefois, cette riche production reste encore peu intégrée dans les programmes scolaires et dans lʹunivers des salles de classe, ce qui soulève des questionnements quant à ses raisons et enjeux.
Les avantages pédagogiques de la bande dessinée
Un média combinant images et textes pour favoriser la lecture
Les bandes dessinées et romans graphiques allient éléments visuels et narration écrite, ce qui peut constituer une alternative attrayante pour encourager la lecture chez les jeunes. Camille Schaer souligne que la bande dessinée dispose de ses propres outils d’analyse, issus notamment du cinéma, qui permettent d’étudier sa structure de manière spécifique. Par ailleurs, cette forme de littérature peut servir de tremplin pour l’acquisition de compétences analytiques et pour développer une compréhension plus approfondie du récit.
Une perception encore limitée comme lecture sérieuse
Malgré ses potentialités éducatives, la bande dessinée demeure souvent perçue comme un divertissement plutôt que comme une lecture sérieuse dans lʹimagination collective. Un autre obstacle réside dans le coût de ces ouvrages : les enseignants évoquent quʹil est parfois difficile dʹimposer à certains élèves dʹacheter des BD dont le prix peut être supérieur à celui dʹun livre de poche, ce qui limite leur utilisation en classe.
Intégration de la bande dessinée dans le cadre scolaire : expérimentations et perspectives
Dans le cadre de ses recherches, Camille Schaer a collaboré avec plusieurs enseignants du secondaire pour expérimenter lʹutilisation de la bande dessinée dans lʹenseignement. Leur expérience sʹest concentrée sur le thème du récit autobiographique, avec notamment les œuvres « Persepolis » de Marjane Satrapi et « Wonderland » de Tom Tirabosco, intégrées dans les programmes destinés à des élèves de 12 à 13 ans. Elle a élaboré, avec ces enseignants, un dossier pédagogique visant à analyser ces œuvres à plusieurs niveaux.
Une analyse multidimensionnelle pour enrichir la lecture
Les cours de français ont abordé ces bandes dessinées comme tout autre livre, avec une analyse textuelle. Toutefois, leur spécificité permet de développer des compétences supplémentaires : « La bande dessinée, qui tire ses outils d’analyse du cinéma, notamment le cadrage, facilite une lecture plus complexe et approfondie », explique Camille Schaer. Ces œuvres offrent ainsi une occasion dʹaborder des activités analytiques variées, ouvrant la voie à une éventuelle intégration plus systématique dans les programmes scolaires.
Propos recueillis par Julien Magnollay.
Adapté pour le web par ld.
Camille Schaer, « La bande dessinée dans l’enseignement du français en Suisse », éditions Epistémé, juillet 2025.